Julien Valentin

C’est à l’age de dix ans, dans ma chambre que j’ai commencé à produire. Mon oncle est plombier, spécialisé dans le chauffage et depuis maintenant seize ans il retape aussi sa maison. Chaque été, je suis chez lui dans la campagne Martegale les fesses aux bord de la Méditerranée et les parpaings dans les gants chauds pour la construction de sa bâtisse. Je voulais être peintre et j’ai suivi les cours d’arts Appliqués à Aix-en-Provence. Dans le même temps, je pratiquais l’aïkido, ma mère disait que j’étais hyperactif et m’inscrit alors au football. Après une année de DEUG d’arts plastiques à l’université d’Aix-Marseille je rentre à l’école supérieure d’art de Grenoble pour me consacrer à des techniques de constructions. Pour vivre, je vends des services de plomberie, pêche des oursins, des moules et des tellines afin de ne pas les revendre aux grands restaurants de la côte d’azur…

bleu marmotte

La complicité entre Jean-Sébastien Tacher et Julien Valentin, déjà ancienne,
repose sur un goût commun des traversées, transitions, translations,
déplacements, dérangements ou voyages. On admettra, pour ce qui les
concerne, que si la traversée de la Manche n’a plus rien aujourd’hui d’un
exploit confondant, elle se transforme en redoutable défi dès lors qu’elle
s’effectue à bord d’une barcasse très peu aérodynamique sur laquelle un des
équipiers s’obstine à ramer à l’envers.
Calais-Folkestone ne fut pourtant pas leur première expérience. Ils avaient
déjà traversé tout Grenoble en compagnie de quelques congénères, tout vêtus
de rouge et pointant un doigt vengeur sur les citadins ébahis, avant de
traverser en 2 CV à la recherche de Dracula, la Transsylvanie subcarpathique
qui existe puisqu’ils y sont allés.
C’est que les deux compères, à travers ces expériences improbables mais
toujours couronnées de succès, poursuivent un but unique : créer, à côté du
monde dit « réel » auquel nous nous résignons par paresse, un

monde décalé
et farfelu, au sens noble du terme, celui que Malraux avait inventé pour les
besoins de sa propre cause, « présence irréfutable et glissante comme celle du
chat qui passe dans l’ombre ».
De ce monde, on a un échantillon très convaincant dans leur exposition-
installation où des marmottes hiératiques, sculptées à la tronçonneuse, posent
devant un paysage de Bretagne reconstitué à partir d’impressions fugaces
éprouvées en camionnette entre Paris et Meaux, paysage déployé en une
fresque dont la cohérence tient – comme dans les « cadavres exquis » – à la
part de hasard qui en enchaîne les surprises à l’aveuglette.
Faut-il ajouter que cette exposition est une contribution essentielle
à la connaissance des mœurs et usages des marmottes ? Ainsi, ceux qui
contesteraient le fait que ces modestes mammifères répugnent à séjourner en
Bretagne verraient ici leur outrecuidance soumise à un cruel démenti.

André Not

Julien Valentin

vendredi 4 avril 2008

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